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    Pouzargues, Lucien P. Craonne, 1917. Peinture réalisée en 1938. © Pouzargues
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    Anonyme, Alerte au gaz avec le Klakson, Positif stéréoscopique sur plaque de verre [1914-18].
Armand Horel à la comtesse de La Forêst
Salonique, le 14 décembre 1915
Objets : vie du marin.

Salonique le 14 décembre 1915

Comtesse

Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles que je suis toujours en bonne santé et je désire qu'à l'arrivée de mes cartes que vous vous trouviez de même ainsi que votre demoiselle. Toujours temps brumeux et une brume très épaisse qui ne donne guère la main à nos troupes pour combattre car vraiment on ne voit pas à 50 mètres de distance tellement ce brouillard est épais. Pour combattre avec cela c'est guère possible car pour voir son adversaire il faudrait qu'il soit à une trentaine de mètres de vous et comme on ne combat pas de si près sur se (sic) front car ici la bataille se fait en rase campagne. Je crois que depuis 5 ou 4 jours nos troupes on eu l'ordre de battre en retraite. En premier nos troupiers se demandaient mais pourquoi bat-on en retraite sans voir l'ennemi les officiers leur ont répondu mes petits amis c'est un ordre du généralissime Joffre1. Pourtant j'en ai vu qui revenaient du front et qui avaient été blessés ils me disaient qu'ils étaient en trop grand nombre pour pouvoir résister à leurs attaques et que c'était à ce sujet que nous battions en retraite. Du renfort il nous en arrive tous les jours par 15 ou 8 bateaux soit anglais ou français et en plus un matériel considérable. Cette victoire ne dépend plus que des Russes car il doit venir 3 ou 400 000 mille (sic) russes en Bésarabie (sic). Nous tenons toujours la ville de Salonique à portée de nos canons en cas ou elle voudrait nous trahir2. Rien autre chose à vous dire pour le moment.

Un petit ami qui ne vous oublie pas,

Armand HOREL

Et meilleure santé pour votre demoiselle.

[PS  :]

Comtesse 2 minutes avant que j'allais fermé (sic) ma lettre je reçois une lettre de vous. Qui m'a fait peine de vous savoir tant souffrante. Car vraiment c'est trop pour les mêmes. Dieu devrait partager le mal. Enfin j'espère que pour maintenant vous soyez complètement rétablie. Tous ces temps-ci c'est très difficile de voyager car il y a beaucoup trop de voyageurs principalement des militaires pour ne pas être serré il faudrait prendre le train à son premier départ et venir dans ces conditions au moins une ou 2 heures à l'avance. Sûrement que vous avez dû vous fatiguer de faire un si long voyage.a Ah que vous êtes bien gentille comtesse de vous occuper autant de mon pauvre frère. Il a eu un an de grâce et il est toujours proposé pour la conditionnelle ce qui fait qu'il peut sortir d'un jour à l'autre si seulement ça pouvait être vrai qu'il puisse aller combattre comme ses camarades quelle joie pour lui quand il apprendrait cette nouvelle pour la tante, il n'y a qu'elle et moi qui pouvions nous en occuper du frère mes parents par ailleurs ne savent ni lire ni écrire et ne connaissent personne si nous ne serions pas là tous les deux il serait malheureux comme tout. Enfin espérons qu'un jour à venir il sera heureux comme nous une fois qu'il aura racheté sa peine. Je vous remercie beaucoup de votre bon cœur comtesse.

Un petit ami qui ne vous oublieras (sic) jamais,

A. HOREL.

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  • Contexte :
  • expéditeur : Armand Horel
  • destinataire : la comtesse de La Forêst
  • lieu : Salonique
  • date : le 14 décembre 1915
  • Lettre précédente :
  • expéditeur : Armand Horel
  • destinataire : la comtesse de La Forêst
  • lieu : Salonique
  • date : 07 décembre 1915
  • Lettre suivante :
  • expéditeur : Armand Horel
  • destinataire : la comtesse de La Forêst
  • lieu : Salonique
  • date : 17 décembre 1915
  • Données matérielles :
  • support : 3 cartes postales.
  • Conservation :
  • lieu de conservation : Nanterre, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine
  • cote : F ∆ 1854/20
  • origine : Don de madame la comtesse de La Forest

Note : a

La correspondance se poursuit au recto de cette carte-lettre.

Note : 1

Mi-novembre, le rapport de force s'inverse avec l'arrivée d'une troisième division bulgare. Le généralissime Joffre pense que les troupes françaises ne doivent pas battre en retraite immédiatement afin d'apporter un soutien aux Serbes et rester crédible face aux États encore neutres. Le gouvernement français laisse le choix à la responsabilité au général Sarrail commandant l'armée d’Orient. Il adopte dans un premier temps un position défensive avant de prévenir ses généraux, le 20 novembre, qu'une retraite est envisagée. C'est finalement un « recul par échelon successif » qui est décidé le 3 décembre afin de ralentir la progression des troupes ennemies et de ramener un maximum d'équipement. voir :

Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, 2014, p. 147.

Note : 2

Malgré l'accord trouvé quelques semaines plus tôt, la situation n'a pas véritablement évoluée et les Grecs restent une menace pour les troupes alliées. voir :

Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, 2014, p. 222.